17/12/2024
Écrit par : Clémence Debadier

Interview de Samia Figère, experte en neuroatypismes

Après 20 ans d’expérience en tant qu’enseignante en classes normales et spécialisées puis en tant qu'ingénieure d’étude dans le domaine de la formation continue, Samia Figère a créé son entreprise À Contre Sens en 2022 afin de poursuivre son travail de sensibilisation sur les problématiques liées aux troubles dys et aux fonctionnements atypiques des cerveaux Hyper (Hypersensibles, Hauts Potentiels Intellectuels) au travers de formations, conférences et accompagnements individuels.

Dans cette interview, elle raconte avec passion son parcours, des premières années en tant qu’enseignante à la création de son entreprise À Contre Sens, dédiée à la sensibilisation aux neuroatypismes. À travers des formations, des conférences et son livre jeunesse Trop !, Samia Figère œuvre pour une meilleure compréhension des cerveaux atypiques et une inclusion bienveillante.

Quel a été le déclic qui vous a poussé à sensibiliser aux neuro-atypismes ?

J’ai débuté ma carrière en passant le concours de professeur de écoles il y a maintenant presque 23 ans. Etant très jeune à l’époque et n’ayant pas beaucoup de points pour choisir mon affectation, on m’a mise d’office dans une classe spécialisée où il manquait un enseignant. J’ai adoré cette expérience et c’est ce qui m’a donné envie d’aller plus loin, de mieux connaître les neuroatypismes et de travailler pour cette inclusion en laquelle je croyais déjà tant.

Pourquoi vous être lancée dans un projet comme À Contre Sens et avoir créé votre structure ?

Après une dizaine d’année en tant qu’enseignante, j’ai eu par la suite envie de compléter mon parcours en travaillant avec les adolescents et les adultes dans l’orientation et l’insertion professionnelle.  J’ai donc passé une habilitation à accompagner à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) puis une en tant que praticienne en bilan de compétences, toujours en réfléchissant à la prise en compte des neuroatypismes dans ce type de démarches.

Lorsque j’ai passé mon concours d’ingénieure d’étude, j’ai été amenée à gérer un service de formation continue dans un institut de recherche spécialisé dans les besoins particuliers. C’est là qu’est née mon envie de créer ma propre entreprise de formation et d’accompagnement sur les neuroatypismes. J’avais ce besoin d’aller plus loin, plus vite et selon mon propre mode de pensée et de travail. J’ai donc créé À Contre Sens.

Quelles sont les activités phares de À Contre Sens et pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur ces approches en particulier ?

J’anime en premier lieu des conférences de sensibilisation et des formations sur les neuroatypismes auprès d’organismes privés ou publics. En parallèle de cette activité, j’accompagne de façon plus individuelle des familles pour les aider à mieux comprendre leur enfant atypique et à mettre en place des aménagements au quotidien. Enfin, j’exerce également un autre type d’accompagnement avec des personnes qui souhaitent effectuer un bilan de compétence. Ces approches variées me permettent de toucher et d’aider un maximum de personnes, tout en gardant cette expérience « de terrain », qui est pour moi essentielle.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire un livre pour enfants, et pourquoi sur l’hypersensibilité en particulier ?

L’écriture de « Trop ! » est venue suite plusieurs demandes, notamment de parents d’enfants Hypersensibles qui avaient besoin de comprendre ce neuroatypisme : le but était de répondre à cette demande en sensibilisant les enfants et leur entourage à l’Hypersensibilité à travers le journal intime de la petite Lily.

Quels messages souhaitez-vous transmettre aux jeunes lecteurs et à leurs parents à travers votre livre Trop ! ?

C’est un petit livre qui n’a pas vocation à donner des solutions, mais juste à présenter facilement ce qu’est l’Hypersensibilité et à permettre à ces personnes de se sentir moins seules. Souvent, un enfant Hypersensible va se sentir « bizarre », il ne se reconnaît pas dans les autres. Grâce à la petite Lily, il va réaliser qu’il n’est pas seul à ressentir ce genre de choses et se sentir apaisé. Son entourage va aussi mieux comprendre certaines de ses réactions et être plus à l’écoute en sachant que ce n’est pas exagéré, mais qu’il ressent vraiment les choses qu’il décrit.

Quels retours avez-vous reçus de la part des parents et enfants qui ont lu votre livre ?

J’ai reçu énormément de témoignages de parents qui me disaient qu’ils avaient pleuré en lisant le livre, parce qu’ils avaient compris que leur enfant n’était pas bizarre. D’autres m’ont raconté que leur enfant lisait le livre en boucle parce qu’ils s’étaient reconnus en la petite Lily qui raconte son quotidien d’Hypersensible et que ça leur faisait du bien. Certains m’ont même dit que c’est grâce au livre qu’eux-mêmes en tant qu’adultes, avaient pris conscience qu’ils étaient en fait Hypersensibles. Je trouve tous ces retours très beaux.

Certaines personnes m’ont également fait part de leur frustration à ce que le livre soit si court, mais mon but était de le rendre accessible à tous les enfants et un livre plus long ne l’aurait pas été : il fait en effet moins de 20 pages et je l’ai mis en page pour simplifier la lecture pour les enfants dyslexiques (police plus grosse et sans empattement, interlignes plus larges…). Cela a fonctionné, car une maman d’un jeune enfant ayant des Troubles De l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA-H) m’a dit très émue que c’était la première fois que son fis arrivait à lire un livre en entier. « Trop ! » est d’ailleurs également paru en version braille pour que les personnes déficientes visuelles puissent le lire aussi. C’est en pensant à tous ces enfants dits « différents » que je l’ai écrit.

Avez-vous d’autres projets littéraires en cours ou à venir ?

J’ai de très nombreuses demandes pour écrire des livres au même format sur le TDA-H et sur le Haut Potentiel Intellectuel (HPI), mais pour le moment, je manque malheureusement de temps pour pouvoir me lancer dans ces projets.

Quels conseils donneriez-vous à une famille ou un enseignant confrontés pour la première fois à un enfant neuro-atypique ?

Déjà comprendre le neuroatypisme ! Cela va permettre de prendre en compte les besoins de l’enfant et d’y répondre pour éviter au maximum toute frustration, manque de confiance ou d’estime de lui-même.

Je leur dirai aussi que l’enfant n’est pas « que neuroatypique », et qu’il a beaucoup d’autres qualités et talents qu’il ne faut pas oublier non seulement de voir, mais également mettre en avant !  Certaines de ces compétences découlent d’ailleurs de leur atypisme, comme pour les enfants Hypersensibles par exemple sont très souvent incroyablement créatifs et empathiques.

Selon vous, quelles étapes sont essentielles pour mieux inclure les personnes neuro-atypiques dans les écoles et au travail ?

A l’école, il y a beaucoup d’aménagements que les enseignants peuvent mettre en place pour aider à inclure ces enfants atypiques, dont certains très faciles à appliquer et qui peuvent servir pour tous les élèves au final. En revanche, l’atypisme cérébral ou le handicap étant parfois invisible contrairement à un fauteuil roulant par exemple, lorsqu’une adaptation est mise en place pour un élève, les autres peuvent dire « mais ce n’est pas juste, lui c’est plus simple ». Ils ne comprennent pas que le fait d’adapter ne veut pas dire simplifier mais juste rendre accessible. On ne demande pas un élève myope d’enlever ses lunettes sous prétexte qu’il est favorisé en les portant. Pour certains enfants neuroatypiques, c’est pourtant pareil, seulement leur handicap est invisible, donc tant les autres enfants ne comprendront pas le trouble de leur camarade, leur attitude aura du mal à changer.

Tout comme il reste encore beaucoup de préjugés sur les personnes neurodivergentes en entreprise. Beaucoup de personnes m’ont avoué ne plus mentionner qu’ils avaient une RQTH lors des entretiens d’embauche, parce que ça leur portait préjudice et qu’ils recevaient même parfois des remarques très déplacées. Certains aménagements qui devraient être évidents ne sont pas mis en place ou même pas du tout proposés. Pourtant, de simples petites choses au départ pourraient tout changer pour un travailleur atypique. Une personne hyperacousique devrait pouvoir porter son casque anti-bruit si elle en ressent le besoin sans avoir, comme j’en ai déjà eu le témoignage, à ce qu’on lui demande de l ’enlever pour être « comme les autres ».

Il arrive aussi que ce soit au niveau relationnel que ce soit plus compliqué, faute de compréhension du fonctionnement de l’autre. Si on reste dans le cadre de l’Hypersensibilité par exemple, il va pouvoir être très susceptible du fait du manque souvent prégnant d’estime de lui et cette façon très intense qu’il a de ressentir les choses. Par ailleurs, il est très attentif au jugement d’autrui. Des paroles très anodines pour tout un chacun vont générer une véritable souffrance chez lui. Mais quand on prend le temps de bien choisir ses mots pour dire les choses de façon gentille et bienveillante, ça passe beaucoup mieux.

Donc là encore, il est très important de comprendre ces différences de fonctionnement pour un mieux-vivre ensemble et une meilleure acceptation de l’autre. Ce qu’on ne connait pas fait toujours un peu peur. Il en est de même avec l’autre différent, et cela dans les deux sens !

Un grand merci à Samia Figère pour ce partage inspirant et éclairant sur les neuroatypismes. Elle nous rappelle l’importance de comprendre et d’accompagner les enfants et adultes atypiques pour valoriser leurs talents et faciliter leur inclusion. Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur l’hypersensibilité et découvrir des clés concrètes pour mieux vivre avec ces différences, ne manquez pas son prochain webinaire dédié à l’hypersensibilité. Une occasion précieuse pour mieux comprendre, échanger et avancer ensemble !

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